Cet album réunit des dessins originaux, au crayon ou à la sanguine et parfois relevés à la plume, de Jean-François Garneray (1755-1837), réalisés afin d'être reproduits par le moyen de la gravure dans l'ouvrage d'Aubin-Louis Millin (1759-1818), les Antiquités Nationales. L'ouvrage d'Aubin-Louis Millin, Les "Antiquités nationales, ou Recueil de monumens pour servir à l'histoire générale et particulière de l'Empire François, tels que Tombeaux, Inscriptions, Statues, Vitraux, Fresque, etc. ; tirés des Abbayes, Monastères, Châteaux, et autres lieux devenus Domaines Nationaux" est fondamental pour la connaissance du patrimoine architectural et artistique français. Millin avait pour ambition affichée de témoigner des richesses artistiques de la France au moment même de leur mise en péril par les changements de propriétaires et d'affectation entraînés par la Révolution. Jean-François Garneray fût l'un de ceux à qui Millin confia le soin de dessiner certains monuments. Le peintre avait déjà montré son goût et son talent à dessiner les monuments, comme l’atteste son dessin de la façade de St Jacques de la Boucherie conservé par la BNF (ark:/12148/btv1b103027895 ) et daté de 1784. Une autre version de cette façade est présente dans l'album Garneray (fig. 144). Notre dessin est par comparaison plus attentif et plus soigné, ce que montre le dessin très différent de la rose de la façade (ill. 1 et 2).
Acquéreur aux enchères publiques d'une partie du fonds Garneray en 1837, un certain M. Maigret composa cet album qu'il fît relier. L’ album réunit 253 fragments numérotés, découpés et assemblés en 126 pages numérotées, plus une page non numérotée et un dessin isolé. Ces fragments représentent des édifices, des ensembles architecturaux, des plans, des vues de sites, ruraux ou urbains, des monuments sculptés, principalement des tombeaux, gisants, plate-tombes mais aussi statues, bas-reliefs, et en outre quelques vitraux et objets mobiliers : vases, pièces d'orfèvrerie et de dinanderie, objets archéologiques, meubles.
De nombreux fragments comportent plusieurs dessins. Tous ces dessins ont visiblement été exécutés dans le but d’être gravés, avec précision, mais sans le contraste d’un dessin totalement fini. Certains se distinguent cependant, comme ce croquis préparatoire probablement inédit d’une entrée du Campo Santo d’Orléans (ill. 9), ou deux vues du château de Maintenon rehaussées à la sanguine (ill. 10).
Ces dessins sont bien préparatoires à la gravure, comme en attestent :
- la concordance entre dessins originaux et gravures, jusque dans le moindre détail (ill. 3 et 4)
- des mentions manuscrites destinées par Garneray au graveur dont il ne cite pas le nom.
Les fragments sont contre-collés dans l'album, suivant un ordre un peu confus, mélangeant les monuments et les régions, mais regroupant parfois plusieurs dessins du même site ou de la même ville. Ils sont accompagnés de mentions manuscrites de Garneray, écrites sur les fragments au crayon et à la plume, et de légendes postérieures à la plume de l'époque de l'album, pouvant contenir des erreurs (par exemple fig. 241 - Vincennes et non Vernon), mais généralement très judicieuses.
Sur ces 253 fragments, 47 apparaissent inédits, car nous n’en retrouvons pas la trace dans les Antiquités Nationales (*1) (annexe II). Il semble que Millin ait opéré un tri, non seulement entre les oeuvres représentées, mais également entre les sites et monuments. Ainsi l’église de Lallaing dans le Nord et ses tombeaux, abondamment dessinés par Garneray, sont-ils absents de l’ouvrage. La notice de l’album précise que certains dessins ont été gravés dans les "ouvrages de Dulaure", cependant les « descriptions des curiosités de Paris » de J-A Dulaure ne sont pas illustrées, et son« histoire physique, civile et morale de Paris » de 1829 n’emprunte que quelques illustrations de Garneray au Millin, re-gravées au passage. Parmi ces dessins présumés inédits, on compte des feuilles remarquables, comme la vue de l’abbaye Saint-Victor (ill. 8) ou la clôture de chœur du couvent des Grands Augustins de Paris (ill. 9). Quelques gravures des Antiquités Nationales mentionnant Garneray comme dessinateur sont absentes du carnet. Nous y ajoutons quelques gravures dont le style nous semble proche de Garneray mais pour lesquelles l’ouvrage ne mentionne pas le nom du dessinateur (annexe III).
Par leur attention aux détails et la qualité de leur dessin, les feuilles de Garneray comptent parmi les plus précises et les plus belles des Antiquités Nationales. Son respect des physionomies, des drapés, des blasons, des inscriptions même dans certains cas (transcription et traduction d'un texte en arabe fig 230) apportent une information fiable, permettant la compréhension des monuments représentés et leur éventuelle identification (ill. 4 et 5 : le couvercle en bronze de la tombe d’Albert-Pie de Savoie des Cordeliers de Paris, aujourd’hui au Louvre). En cela, il prolonge avec une précision supplémentaire les projets de proto-inventaire plus anciens, comme le fonds Gaignières.
*1. Notre comparaison s'est effectuée à partir des version numérisées des "Antiquités Nationales" de la BNF (Gallica), de l'INHA (1790) et la version abrégée de 1837 de la bibliothèque numérique de Lyon (Numelyo) : https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/10930-antiquites-nationales-ou-recueil-de-monumens-tome-1https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/10932-antiquites-nationales-ou-recueil-de-monumens-tomes-2-et-3 https://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/item/10933-antiquites-nationales-ou-recueil-de-monumens-tomes-4-et-5
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